Avoir des convictions

Ne confondez pas la foi avec la conviction. La conviction est l'acte de l'esprit qui adhère à ce qu'il voit ou croit voir. La foi est l'acte de la volonté qui se soumet, souvent sans conviction, quelquefois contre la conviction même, à ce qu'une raison extérieure et plus élevée déclare vrai.
(LAMENNAIS, Lettres inédites à la baronne Cottu, 1829, p. 207, cité dans le TLFi)

Une fois de plus, Denise Bombardier vient brasser notre torpeur collective en décrivant « un autre des malheurs caractéristiques de l'époque dans laquelle nous surnageons tous », celui « de vivre sans conviction ». Sa réflexion surtout nourrie par le contexte politique canadien pourrait cependant s'appliquer à bien d'autres activités, notamment l'enseignement.

Difficile d'avoir des convictions bien ancrées et plus difficile encore de les défendre dans un espace public qui banalise tout lorsqu'il ne relativise pas. Un espace public qui transforme l'homme de conviction en caricature parce qu'il met plutôt à l'avant-scène des personnages divertissants, simplificateurs ou même mystificateurs. Les convictions s'affirment rarement dans l'éclat de rire, en trente secondes, sans mise en contexte ou devant des auditoires impatients et agités. Les gens de conviction ne sont pas nécessairement des bagarreurs, des extravertis ou des exhibitionnistes. Et leurs idées ne sont ni à vendre ni rentables. De plus, elles exigent un effort de concentration et une envie d'être déstabilisées intellectuellement et même personnellement. La vie moderne se surfe davantage qu'elle n'enracine. Les convictions apparaissent dès lors à contre-courant.

Le vrai doute, qui n'est rien d'autre que la recherche de la vérité, nécessite un minimum de sécurité émotionnelle pour s'imposer à nous. Or, nous sommes des gens peureux, anxieux. Nous sommes guidés par une obsession : plaire. Or, les gens de convictions plaisent rarement puisqu'ils sont dérangeants.

Les temps sont durs, par Denise Bombardier, dans ledevoir.com, édition du samedi 21 mai 2005